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30ème Chronique
Nul ne saurait Haigneré la "recherche fondamentale" !
Kritix, le Friday 20 February 2004 -
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L'élite scientifique paye sa « position érudition », coupée du « commun des mortels », depuis plusieurs décennies. Pendant près de 50 ans en France, le microcosme n'a pas su vulgariser son Savoir: aujourd'hui il en paie les « pots cassés », au moment où la France a cruellement besoin de la recherche fondamentale; de ce « long terme », pour relancer le cercle vertueux de la croissance économique nationale, voire celle de la zone euro. L'emploi n'est pas à quérir parmi les métiers des essors industriels passés, mais dans ceux des nouvelles technologies: la haute valeur ajoutée sied parmi les métiers de l'Intelligence, c'est à dire ceux résultants de la recherche fondamentale, que ce soit dans le domaine des nanotechnologies, du génétique, des énergies renouvelables. Une économie « dite développée » sera concurrencée sur les pratiques économiques établies, non sur celles qui investissent et anticipent notre monde contemporain. Or, le gouvernement Raffarin porte son « dévolu budgétaire », exclusivement sur les aides publiques à la recherche privée, voulue par le MEDEF (patronat français) destinée aux applications industrielles. Cette aide publique est louable. Seulement le monde de l'Entreprise ne peut assumer le coût d'une recherche fondamentale. Or, le gouvernement Raffarin pénalise la recherche fondamentale, autrement appelée « recherche publique », donc la France de Demain. Les profits immédiats ne sont pas ceux de Demain: ne pas répartir, augure de funestes desseins ! Le 7 janvier 2004 a été publiée sur Internet une lettre ouverte au gouvernement français, lettre qui dénonce « l'abandon de la recherche fondamentale par l'Etat » (http://recherche-en-danger.apinc.org/article.php3?id_article=147). Plus de 4000 chercheurs et directeurs de laboratoires, dont Alain Trautman, co-Directeur du département de biologie cellulaire de l'hôpital Cochin, et Geneviève Rougon Directrice de l'Institut de biologie du développement de Marseille, ont fait part de leur opposition au « démantèlement » de la recherche publique en France, à travers une pétition. Claudie Haigneré a assuré le 11 janvier 2004 que « les crédits gelés en 2002 (...) seront versés en 2004 et 2005 en fonction des besoins » aux organismes de recherche publique. Elle s'est déclarée « à l'écoute » de la pétition lancée quelques jours plus tôt contre le « démantèlement de la recherche publique » par de grands patrons de recherche publique, et signée par plus de 4.000 chercheurs. "C'est un mouvement important et nous sommes non seulement complètement à l'écoute et mobilisés, mais nous sommes dans l'action", a dit la ministre à France Inter. Elle a contesté les propos tenus le matin même par le chercheur et ancien ministre socialiste de la Recherche Claude Allègre qui se déclarait prêt à « travailler aux USA ». « Beaucoup de choses qu'on a entendu là veulent faire croire que la recherche n'est pas une priorité d'un gouvernement de droite. C'est tout à fait faux », a rétorqué la ministre. « Non seulement la priorité est exprimée au plus haut niveau de l'Etat, mais des preuves en ont été données », a-t-elle estimé, citant « l'augmentation de 3,9% des moyens consacrés à la recherche dans le contexte économique budgétaire qui est particulièrement difficile ». Deux cents chercheurs dénonçant la baisse des crédits publics ont manifesté et chahuté la ministre le 27 janvier 2004 à Bordeaux où elle visitait le laboratoire d'électromagnétisme de l'université Bordeaux I. "On va aller bosser à l'étranger", scandaient les manifestants. Omniprésents, une quinzaine de syndicats de chercheurs, dont la CGT, la CFDT, la CFTC, le Snes, la FSU, l'Unsa et l'Unef, ont manifesté à Paris. Dans un communiqué, le collectif national "Sauvons la recherche", qui rassemble plus de 20.000 chercheurs, a apporté son soutien à cette manifestation de la faculté de Jussieu à l'hôtel Matignon. Depuis, la Ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles Technologies, a tenté d’apaiser les tensions et, par extension, d’éviter une éventuelle « fuite des cerveaux » vers le monde anglophone, les USA en particulier. La ministre, qui sait ce que recherche, discipline et « excellence » veulent dire, a bien évidemment reçu les représentants des chercheurs en colère. A la suite de ces échanges, Claudie Haignere en accord avec le Premier ministre et le ministre des finances, a souhaité que soient analysés « en toute transparence » les crédits des laboratoires. Pour ce faire, le 28 janvier 2004 lors d’une session à l'assemblée Nationale, la ministre a annoncé la création de la mission chargée de procéder à « l’examen contradictoire de la situation des crédits au sein des laboratoires publics. » En une quinzaine de jours, cette mission d’experts devra « dresser un état des lieux des budgets effectivement mis en œuvre dans les grands organismes de recherche. » Les conclusions du rapport de mission seront « rendues publiques », et serviront de base aux nouvelles discussions entre le ministère délégué à la recherche, les représentants des chercheurs, organismes et syndicats. Ces chercheurs français, directeurs d'unités et d'équipes, qui menacent de « présenter leur démission collective » si les pouvoirs publics ne mesurent pas « la gravité de la situation », restent « hors d'eux » ! Les signataires de la pétition réclament notamment le versement "immédiat" des sommes votées en 2002 et non versées aux instituts de recherche publique et l'augmentation des embauches de jeunes chercheurs au concours 2004. Mme Haigneré a évoqué "400 postes pour des jeunes créés en 2003 et 200 en 2004", tout en reconnaissant que tous ne sont pas des postes statutaires. "Il y a effectivement le développement de ces postes d'accueil sous forme contractuelle qui compensent les postes statutaires qui ne sont pas prévus au concours", a déclaré la ministre. Elle a rappelé l'engagement pris par le président Jacques Chirac d'une loi d'orientation de la recherche avant la fin de l'année et de l'objectif revenant à porter "l'effort national de recherche, tout compris, d'un peu plus de 2 % à 3 % du PIB" en 2010. Cet objectif implique une augmentation de quasiment 50% de l'effort actuel. C'est oublier que le gouvernement Raffarin à son arrivée en 2002, s'est permis des coupes budgétaires drastiques dans la recherche publique de l'ordre de 10 %: on est donc très loin du compte ! La ministre fit le choix, compte tenu de la rigueur budgétaire, de favoriser le spatial au détriment de la recherche fondamentale, celle dont les fruits ne se cueillent que sur le long terme. La ministre française déléguée à la Recherche Claudie Haigneré s'est montrée confiante le 17 février 2004 de voir la mise en oeuvre d'ici 2007 d'une nouvelle structure européenne permettant de financer la recherche fondamentale. « La volonté politique » pour créer cette agence européenne « est là et elle répond à la volonté de la communauté scientifique », a déclaré Claudie Haigneré à l'AFP, à l'issue d'un séminaire de deux jours sur la recherche scientifique, à Dublin.Ce symposium, présidé par le premier ministre irlandais ajoint Mary Harney, regroupait pour la première fois les représentants des communautés scientifiques, industrielles, la commission européenne et des ministres de 25 pays de la future Europe élargie. Après 48 heures de débats, les participants ont publié un document conjoint proposant la création d'une « nouvelle structure avec un minimum de bureaucratie impliquant les communautés scientifiques et technologiques, le monde de l'entreprise et celui de l'université, à la fois dans sa stratégie et sa gestion ». Cette agence serait financée par un système original « de bourses accordées sur la base de la compétition » entre les projets, sans autre critère que « l'excellence », selon ce document. Un groupe de sages serait formé pour décider du choix des projets. « Pour organiser cette prise en compte de la recherche fondamentale dans toute son excellence, il va bien falloir une structure, et un budget », a souligné la ministre française. « La commission et le commissaire à la Recherche (Philippe) Busquin se sont engagés à demander un doublement du budget pour la recherche », qui passerait s'il est approuvé de 7 à 12,5 milliards d'euros d'ici 2013, « avec une partie de ce budget communautaire consacré à la recherche fondamentale », a assuré Mme Haigneré. En ce qui concerne le calendrier de mise en oeuvre, les Pays-Bas, qui assureront après l'Irlande la présidence semestrielle de l'UE le 1er juillet 2004, feront de cette initiative un des "sujets majeurs pour le deuxième semestre 2004", a-t-elle ajouté. De source proche de la Commission à Dublin, on estimait que l'idée pourrait devenir réalité sous la présidence britannique, dans le deuxième semestre de l'année prochaine, avant d'être totalement opérationnelle à l'horizon 2007. Mais « dans la réflexion du séminaire d'aujourd'hui, tous les Etats membres n'étaient pas représentés (au niveau ministériel), il faut maintenant que la présidence du Conseil puisse faire une proposition partagée par l'ensemble de ces Etats", a expliqué la ministre. La ministre a félicité l'Agence Spatiale Européenne pour les succès obtenus lors du conseil du 4 février 2004. Elle a remercié l'ensemble des Etats membres de leur solidarité. Elle a réaffirmé sa confiance dans Arianespace qui a fait un pas décisif pour la coopération avec la Fédération de Russie, un grand partenaire. « Les efforts de tous ont porté leurs fruits, et je souhaite féliciter en particulier le CNES, l'ASE et ses Etats-membres, et tous les industriels qui ont oeuvré pour parvenir à ces décisions. La France est fière d'appartenir à cette Europe spatiale ». Le 4 février 2004, le conseil de l'ASE avait souscrit le lancement des 3 programmes : EGAS (garantie de l'accès à l'espace), "Soyouz en Guyane" en coopération avec la Russie et le FLPP (lanceurs du futur). Ces programmes vont pouvoir démarrer immédiatement. Le 7 novembre 2003, Jean-Pierre Raffarin avait signé l'accord inter-gouvernemental de coopération à long terme entre la France et la Russie, qui établissait notamment les accords juridiques entre les deux pays relatifs à l'ouverture du Centre Spatial Guyanais au lanceur Soyouz. Ce succès hexagonal est dû en partie au fait que Claudie Haignere a été la première astronaute française: ce qui l'a évidemment portée à privilégier le "spatial français et européen", avant tous autres choix scientifiques. Alain Trautmann, porte-parole du collectif « Sauvons la recherche », a selon lui était entendu par le ministère qui l'associe à la discussion gouvernementale. Les mesures à prendre dès 2004 sont sur la table. Avec le contraste entre le discours provocateur du ministre de l'Economie, Francis Mer, qui persiste à nier tout problème quand les laboratoires sont en ébullition, et Claudie Haigneré qui admet, que «la situation n'est aujourd'hui pas la plus favorable à l'exercice d'une recherche exigeante dans un monde compétitif». Et annonce un «audit» d'ici au 20 février 2004. Un tel « timing » permettra-t-il de prendre quelques mesures avant le 9 mars 2004, date de la réunion des directeurs d'unité signataires de la pétition, menaçant de démissionner ? C'est ce qu'espèrent les chercheurs, soulignant qu'ils demandent «moins que ce que Raffarin vient d'annoncer pour les restaurateurs». L'appel " Sauvons la recherche " a passé ses 23 000 signataires le 10 février 2004. Les syndicats et associations de jeunes chercheurs préparent une manifestation pour le 29 février 2004, où les instances scientifiques et leurs présidents protesteront avec force, contre le gouvernement Raffarin qui n'a pas bougé d'un iota par rapport à la conférence de presse du 25 septembre 2003 de Claudie Haignere: aucune ouverture ! Que diable ! Quel poujadisme ! Jamais gouvernement en France n'avait autant fait preuve de paternalisme auprès de sa clientèle électorale ! Quand les chasseurs grognent un peu, le gouvernement se précipite pour faire un décret avançant la date de la chasse, même s'il sait que ce décret sera cassé. Quand les buralistes font une manifestation, quatre ministres se précipitent sur le dossier, on négocie et en quelques jours, on trouve de l'argent. Quand les restaurateurs demandent la baisse de la TVA, le gouvernement se bat pied à pied à Bruxelles et n'a aucun état d'âme financier pour une mesure dont le coût représente le doublement du potentiel humain et des crédits de tous les EPST (CNRS, INSERM, INRA, IRD, INRIA, etc.). Eu égard, cette démagogique « nouvelle gouvernance », les scientifiques se sentent humiliés et méprisés, tout comme le ressentent les gens de l'éducation et de la culture. Ils sont abasourdis qu'on réponde avec tant de facilité à des revendications corporatistes (dont certaines peuvent être légitimes), mais qu'il n'y ait aucune réponse quand ils hurlent que la France et l'UE, vont manquer d'enseignants pour les lycées, de chercheurs, d'universitaires, de médecins et d'ingénieurs. Ils sont ahuris, dans ces conditions, de voir qu'on ferme les débouchés aux jeunes docteurs brillants dont nous disposons encore, qu'on supprime des emplois pérennes transformant ces docteurs en intermittents de la recherche ou les vouant au chômage ou à l'expatriation. Ils sont consternés de cette myopie, qui confine l'aveuglement, de n'avoir aucune réponse quand ils clament que la recherche et l'enseignement supérieur conditionnent le niveau culturel, économique et social du pays, et que la France a un retard considérable dans ce domaine. Et que dire de cette pitoyable raffarinade, consistant en une manipulation permanente des chiffres, tendant à se moquer des scientifiques, de leur expliquer que le budget monte alors que les dotations d'État aux organismes de recherche se sont effondrées en deux ans, de pénaliser les laboratoires parce que, en fin d'exercice annuel, ils ont essayé d'économiser, en plusieurs années, quelques mois de leurs ressources pour lancer un thème nouveau ou acheter un appareillage plus moderne. Le boutiquier Raffarin semble être déterminé à liquider la France de Demain ! |
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