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13ème Chronique

RFF interprète le « chantage par la menace » du gouvernement Fillon

Kritix, le Sunday 8 November 2009 - 7125 consultations - Commenter la chronique

À la Bussière-Poitevine, en lisière de Vienne et Haute-Vienne, eut lieu un débat publique des plus vifs, le 5 novembre 2009 à 19h10 précise. La radio locale France bleu Limousin organisa un débat sur l'opportunité du projet LGV imposé par le gouvernement Fillon et son ministre Dominique Bussereau, via RFF et la voix de son directeur régional Richard Rousseau. Les journalistes convièrent tous les intéressés : élus, cofinanceurs, collectifs anti-LGV. Le préfet brilla par son absence, cependant il a une circonstance atténuante : comme RFF, il ne fait qu'exécuter les désidératas de Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa.

Le préfet de région Poitou-Charentes Bernard Tomasini (à gauche) et la présidente de région Poitou-Charentes Ségolène Royal (à droite) lors du Conseil régional Poitou-Charentes du 19 octobre 2009.
© kritix.com

Le député socialiste Alain Claeys et la présidente socialiste de Poitou-Charentes déclinèrent l'invitation. Avec une nuance de taille : la présidente Ségolène Royal, par son courrier du 4 novembre 2009 [pdf], s'érige contre le ministre Dominique Bussereau qui n'observe pas les obligations de l'État en matière de financement de l'aménagement du territoire ; une ligne à grande vitesse relèvant de la compétence de l'État. Dans cette lettre, Ségolène Royal remet en cause la pertinence économique de la ligne LGV Poitiers-Limoges et s'interroge sur la complémentarité entre cette ligne et les TER. Enfin, elle dénonce l'absence de réelle concertation avec les citoyens.

De son côté, le député et président de la Communauté d'Agglomération de Poitiers (CAP), Alain Claeys, refuse le débat publique : d'une part il s'est abstenu de tout courrier à l'adresse de cette réunion publique, d'autre part la voix de la CAP ne sera pas représentée lors du débat. Alain Claeys ne semble apprécier guère les débats contradictoires, hormis ceux dont il décide les temps de paroles. Il y a un déni patent de débat publique.

Seule la députée socialiste Catherine Coutelle assumera ses responsabilités et ses choix politiques concernant son vote lors du Grenelle de l'Environnement.

L'alternative à la LGV muselée

Richard Rousseau, directeur régional de RFF, « On en parle depuis 1992 ! [...] Le projet de TGV pendulaire, POLT, a été abandonné pour des raisons de rentabilité. » Il est à noter que l'ancien premier ministre Jean Pierre Raffarin a mis en concurrence le TGV avec le POLT par sa loi dite "loi de décentralisation 2".
       Indignés, les opposants défendirent cette alternative à la LGV, « Nous sommes pour le projet POLT ! [...] C'est 500 millions d'euros au lieu de 2 milliards, pour une perte de temps d'un quart d'heure ! »
       Jean-Paul Denanot, président de la région Limousin, se lança dans une langue de bois des plus rustique, « La ligne POLT continuera à exister. Il n'y a pas de concurrence avec la LGV. [...] Les dispositifs de LGV génèreront des activités économiques sans précédent ! »
       Devant la condescendance du grand élu, les collectifs s'indignèrent, « 260 maires creusois se sont opposés à ce projet ! Le Poitiers-Limoges est une voie unique que pour les voyageurs. Cette voie ne servira jamais au fret ! »

Affiche de protestation lors de la réunion publique sur la LGV Poitiers-Limoges, le 27 octobre 2009.
© kritix.com

Richard Rousseau rappela sa mission, « Notre chantier pour 2020, c'est Poitiers-Limoges. »
       Les Collectifs relevèrent l'absurdité, l'unilatéralisme politique, « C'est ridicule de faire circuler un TGV sur 100 kms, pour un gain d'un quart d'heure ! Il est plus intéressant de faire une ligne comme celle [déjà existante] de Poitiers-La Rochelle. »
       Richard Rousseau se replia derrière l'ingénierie, « C'était une ligne plus moderne ! Poitiers-Limoges est une ligne trop sinueuse. Nous voulons une desserte de bassins. ».
       La députée socialiste Catherine Coutelle qui vota la loi du Grenelle de l'Environnement, dite "loi grenelle 1", « C'est un élément majeur d'aménagement du territoire […] pour trouver des transversales [qui évitent la centralisation parisienne]. Le TGV s'associe à des TER dans un maillage. [Car] si un TGV s'arrête partout, c'est un omnibus ! »

Le financement de la LGV escamoté

Aux dernières nouvelles, le conseil général de la Vienne et la région Poitou-Charentes ne veulent pas participer au financement... Ces deux collectivités ne veulent pas que leurs dettes supportent le désengagement de l'État, surtout que leurs gestions sont exemplaires en matière fiscale : le désengagement de l'État se heurte aux collectivités vertueuses.

Catherine Coutelle, « Il faut imaginer des nouveaux modes de financements pour le Grenelle de l'Environnement, [comme une] réflexion sur une écotaxe. »
       Devant ces lieux communs, les Collectifs haussèrent le ton, « Nous n'avons pas pu nous exprimer sur les alternatives ! » Pour calmer le jeu, un journaliste rappela les règles du débat radiophonique, « C'est une émission de radio : le temps est limité ! »
       Il faut savoir que le préfet prétend que le financement n'est pas à l'ordre du jour ! Les Collectifs ironisèrent sur la langue de bois préfectorale, « Si j'ai envie d'agrandir ma maison, il me faut un financement, sinon j'agrandis pas ! Ce sont les générations futures qui devront payer ! [Les grands élus, agacés, ricanaient, NDR] Laissez moi parler, monsieur Denanot ! Est-ce que vous avez coupé la parole à madame Coutelle ? […] Ségolène Royal a prit une décision sage parce que ce projet n'est pas du tout rentable à un niveau financier et écologique ! C'est une femme présidente du conseil régional de Poitou-Charentes qui a le courage politique de prendre des décisions sages ! »

Jean-Paul Denanot, « Ségolène Royal a signé la convention de financement de la SEA [LGV Sud Europe Atlantique]. C'est un détail qui change tout. »
       Les Collectifs s'élevèrent contre ce amalgame tendancieux, « La présidente a accepté un package sur les lignes LGV, mais pas sur la ligne Poitiers-Limoges. [...] [On a] le sentiment que l'affaire est pliée ! A partir du moment où tous les acteurs ont signé le protocole d'accord en 2006, c'est terminé, il n'y a même plus à discuter ! Quelques soient les arguments les plus importants qui peuvent être mis sur la table, vous n'écoutez strictement rien. Vous êtes partis sur cette voie TGV et vous foncez à 320 kms/h dans un mur ! »

Bureau du préfet de la région Poitou-Charentes, septembre 2009.
© kritix.com

La députée Catherine Coutelle provoqua ses contradicteurs avec condescendance, « Il y a eu le débat publique : la ligne est décidée depuis 2003. » Sur la défensive, elle poursuivit dédaigneuse, « D'accord, tout est mensonge ! [Mais] cette loi a été voté à l'unanimité du parlement, c'est pas souvent ! [Alors] c'est à dire qu'il y a 577 députés complètement barjots ? » La mauvaise foi de madame la députée va jusqu'à omettre de préciser que rien ne venait codifier, dans la loi votée, les modes de financements de cet aménagement du territoire national... Elle continua, « Je veux bien que vous fassiez de l'anti-parlementarisme de base, mais... », elle oublia sciemment de préciser que les modes de scrutins favorisent le bipartisme ; c'est à dire l'absence des nuances de sensibilités qui font une nation. Le bipartisme n'est pas une démocratie représentative exhaustive.

Puis la députée Catherine Coutelle se défaussa par l'argutie du bouclier fiscal ! Par ses extrapolations politiciennes et entendues par le consensus des observateurs, elle abusa de la crédulité du citoyen lambda, abusa du temps de ceux qui ne sont pas payés pour travailler sur ces sujets : « Vous les avez élus, vos députés ! », clama-t-elle. Consternés par ce légitimisme jusqu'au boutiste qui fait fi des grands principes républicains comme la fraternité, cette concertation pédagogique qui invite élus et citoyens à faire les meilleurs choix possibles, ; les collectifs entonnèrent, résolus, « Malheureusement ! […] Il y a des gens très pauvres qui réclament le transport pour tous ! Il faudrait développer des transports en communs, non pas pour 15% des usagers : [on] parle de ces députés, ceux qui le prennent aux frais de la princesse ! [Les parlementaires ainsi que les militaires et certains fonctionnaires, bénéficient de ces privilèges prétendument républicains, NDR] Les autres, ceux qui payent, circulent en première classe en Limousin ! [Le prix sera l'équivalent d'un première classe : le transport pas cher n'existera pas, NDR] [...] C'est la SNCF qui finance le matériel. Vous n'avez pas le droit de parler de prévisions de trafic  » RFF passe sont temps à simuler l'hypothétique trafic de ses clients... Quant à la députée, elle s'était trompée sur la compétence de RFF, c'est dire... Mais soyons indulgents : dans un tout autre domaine, nos députés votèrent la loi HADOPI sans en connaître, là aussi, les tenants et les aboutissants (de l'aveu de la plupart d'entre eux, aux journalistes, dans la salle des quatre colonnes).

Selon la SNCF, le transport ferroviaire TER sera secondaire en Limousin : le prix du billet va donc flamber pour les usagers ! La plupart des grands élus socialistes ne trouvèrent rien à redire devant ce saccage du service publique de transport...

Les Tracés de la LGV décrétés

Jean-Marc POUZOLS, chef de mission à Réseau Ferré de France (RFF). Poitiers, Amphi J, lors de la réunion publique sur la LGV Poitiers-Limoges, le 27 octobre 2009.
© kritix.com

Les collectifs ne purent se contenir, « Les dés sont pipés depuis le début ! »
       RFF, par la voix de monsieur jean-marc Pouzols, « La performance-objectif, c'est 1,3 milliards d'euros. » L'arbitrage sera fait par le comité des financeurs le 6 juillet 2009.
       Les collectifs ne se laissèrent pas emportés par la logique procédurière, « Le grenelle de l'environnement, dans son article 1, prévoit qu'il faut privilégier les solutions alternatives quand c'est possible ; si moins coûteux en terme environnementaux ou en terme financier. [...] On ne veut pas entendre parler de tracé ! On veut un TGV qui passe à une vitesse légèrement moindre sur une ligne normale. »

La députée Catherine Coutelle déclara qu'il s'agissait d'un mal nécessaire ; autrement dit, elle avalise le désengagement de l'État au nom d'une solidarité nationale inexistante. Rappelant l'unanimisme des députés français rangé derrière l'intérêt général, elle s'est bien gardé de parler de justice fiscale dans le financement du Grenelle de l'Environnement, ceci en pleine violation du principe républicain de solidarité nationale.
       Le palais bourbon est complice de la dérive autocratique de la Sarkozie ! Nos élus, et non l'ensemble du personnel politique français, perdent dangereusement en crédibilité, en légitimité, en souveraineté ! L'État de droit doit son existence tout autant à la Lettre de celle-ci qu'à son Esprit. Nos députés font du juridique donc de la Lettre, mais pourfendent son Esprit, c'est à dire les grands principes républicains de paix civile ! La fraternité semble être pour beaucoup de nos élus une plaisanterie...

Alain Claeys, à la différence de la députée Catherine Coutelle, a décliné pour la énième fois un débat publique où il n'a pas la maîtrise des temps de paroles. Le maire de Poitiers refuse manifestement tout débat publique sur la ligne Poitiers-Limoges. Voilà un piètre exemple de démocratie locale ; proximité bien évanescente !

A toutes les fourmis de la république française : rappelons aux cigales que l'on ne rembourse les dettes qu'avec les revenus de Demain. Et les revenus de Demain, on peut toujours les attendre : rien n'est fait pour que la France s'enrichisse. Les mauvais comptes publiques ne font pas les bons amis ! Et comme la confiance est le déterminant de la Croissance, alors...

Le 6 novembre 2009, en préfecture de Limoges, le député-maire président d'agglomération Alain Claeys enfin disponible, accompagné de son adjoint Maurice Monange, participa au comité des financeurs, en compagnie du corps préfectoral ; absence notable de la présidente de région Ségolène Royal qui ne parapha pas le tracé de cette ligne LGV, décidée à Paris avec l'argent des contribuables locaux. Le maire de Poitiers, en sa qualité de président de la CAP, semble avoir négocié le tracé de RFF en dehors de l'agglomération, au sud d'Iteuil, contre de la monnaie sonnante et trébuchante ! On comprend le silence unanime du conseil de la CAP... La solidarité a un visage qui a de quoi surprendre... Officiellement, la raison invoquée est le faible impact humain ; que l'on peut traduire par le plus faible mécontentement parmi le clientélisme électoral... Ici, la République, on peut la chercher longtemps !

Richard Rousseau, directeur de l’antenne régionale Centre-Limousin de Réseau Ferré de France (RFF). Poitiers, Amphi J, lors de la réunion publique sur la LGV Poitiers-Limoges, le 27 octobre 2009.
© Kritix.com

Le comité des financeurs décréta le tracé de ce projet de ligne, conformément aux recommandations de RFF. Comme on pourrait le craindre, on est dans la république des experts ! Mais vous savez quoi ? Le comité de financeurs n'a pas parlé financements ! Prière de ne pas rire du ridicule de ce qui prétend se parer de vertus !

La préfète du Limosin, Evelyne Ratte, rappela avec cynisme que « la présidente Royal avait signé la convention de financement des études et, qu'à ce titre, elle fait bien sûr partie du comité de pilotage et du comité des financeurs. [...] Il se trouve qu'elle n'était pas au comité des financeurs, [mais] elle a participé à des comités techniques et donc, c'est une position qui ne remet en aucun cas en cause le calendrier de ce projet. » Autrement dit, avec des pressions, on va bien faire "cracher au bassinet" les dizaines de millions d'euros de dettes que Poitou-Charentes devrait assumer pour satisfaire les désidératas du désengagement de l'État sarkozyste ! Ils sont très bon à la préfectorale ! Bravo ! Pour le service après-vente, il faudra passer devant les électeurs...
       Par cette décision, le préfet de Poitou-Charentes, Bernard Tomasini, prouve que la France redevient féodale : la suzeraineté parisienne décide de son influence avec l'argent de baronnies, pour des intérêts transnationaux.
       En fin de réunion, la zone de passage fut validée par le comité des financeurs, en pleine violation de l'esprit de la loi Barnier : il n'y eut jamais de réelle concertation !

La présidente Ségolène Royal est l'honneur de notre République ! Cette présidente n'oublie pas d'où elle tire sa souveraineté... À tous ceux qui ne croient plus au bipartisme, à cette ploutocratie cumularde, n'oubliez pas le courage politique de ceux qui, contre tous, portent avec grandeur l'aura de notre république française... La légitimité se mesure à l'aune des grands principes souverains !


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