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9ème Chronique

Michel Brunet : l'inventeur de Toumaï en lutte contre le Créationnisme

Kritix, le Saturday 16 May 2009 - 8140 consultations - Commenter la chronique

Poitiers a son paléontologue au collège de France. Un professeur qui sait ce que le mot persévérance veut dire. Un chercheur qui ne craint pas le doute, mais le cultive. Un naturaliste qui porte l'audace jusqu'à manier ses hypothèses de manière transversale : l'académisme de la discipline ne le bride pas. Ces quelques postulats font de cette figure un scientifique peut-être classique, mais surtout hors norme : le pédagogue Michel Brunet sait vulgariser sa science.

Michel Brunet lors d'une conférence le 10 septembre 2008 à l'université de Fribourg en Suisse.
Wikimedia Commons, publié par Ludovic Péron sous GNU

L'humaniste Michel Brunet veut nous éclairer tous, le créationnisme se faisant toujours plus menaçant ! Entre intégrisme de la religiosité des monothéismes et matérialisme éhonté de l'Occident, la Raison pure, la sagesse de la connaissance universelle est aujourd'hui souillée par l'obscurantisme de politiques irrationnelles répondant de dogmes, de croyances, de superstitions...

L'universaliste Michel Brunet fit peu de cas de la superstition : le créationnisme, cette matière putride de beaucoup de nos élites dirigeantes, d'une humanité en déshérence !

C'est à l'Espace Mendès France de Poitiers, le 17 décembre 2008, que le paléontologue clôtura une journée d'étude sur les enjeux et les débats de l'Évolution (voir Guy Lengagne contre le Créationnisme). Un public fourni de près de 150 personnes vit le professeur prendre le micro, dont l'usage s'avéra inutile. A la différence d'un scientifique classique, il a ce charisme digne d'un Indiana Jones : ces aventuriers qui vous cueillent, vous emmènent au plus profond de vous-mêmes, dans les contrées les plus lointaines. L'universitaire Michel Brunet est un pure produit de la recherche à la française ; cette recherche que le président Nicolas Sarkozy est en train de sabrer, de détruire, de rendre stérile ; à l'image de la course à la publication scientifique, résultat d'une mesure quantitative de la recherche voulue par le gouvernement Fillon ! L'aventurier Michel Brunet maltraite les lieux communs, les sentiers battus ; extrait la substantifique moelle du terrain d'opérations, issues d'expéditions en Afrique subsaharienne, là où les doctrines classiques de la paléontologies se moquaient du farfelu chercheur français. Et bien, cet Indiana Jones poitevin montra à la face du monde que les certitudes n'ont d'autres finalités que de nous complaire dans notre ignorance. La preuve du contraire est le moteur du Progrès.

La voix du chef d'expédition Michel Brunet tonna, raisonna dans les sous-sols de l'Espace Mendès France, sous les yeux ébahis d'un public tout acquis. « La théorie de l'Évolution, ce ne sont que des faits, des chose distinctes ! L'intelligent design, des courants de pensées grimés en pseudo-science qui fait fi de tous les acquis depuis le XIXème siècle [...] [Prendre en compte ces acquis,] voilà ce qui éviterait de dire et de dire des âneries ! » La voix forte à la virilité d'un mercenaire des déserts, harangua par saccades un public pourtant averti. La passion vibra de toute part, « L'Histoire de l'Homme, c'est l'Histoire de tous ! Paléontologue, je vous dis que Toumaï a 7 millions d'années ! Comme vous, je ne sais pas non plus ce que c'est ! Lucy [le fossile découvert par le professeur et son prédécesseur au Collège de France Yves Coppens] c'est 3 millions d'années : c'est une jeune fille, non notre grand-mère... » La salle était stupéfaite devant l'évidence des faits tout en étant cet enfant que nous sommes restés, découvrant ses origines. La salle entendait à parler, accélérations, silences de l'orateur Michel Brunet. Le déjà illustre rhéteur articula doucement puis violemment, comme pour réveiller nos consciences, « Avec le poids de notre culture judéo-chrétienne, on croît que les autres n'ont pas d'histoires : on subit notre culture judéo-chrétienne ! Il est difficile de s'en extraire : on est né un jour et on est créationnistes ! »

Croquis du Sahelanthropus tchadensis.
Wikimedia Commons, publié par Mateuszica sous GNU

L'écho de sa voix claquait dans les couloirs... « 1827 : on n'est pas prêt à admettre l'Homme fossile ». Il marque un temps, « 1856 : on admet l'Homme fossile ! On l'imaginait beau et intelligent ! Comme nous ! » L'ironie fit sensation... « Ils étaient en présence de faces prognathes peu avenantes qu'on trouve en Chine et ailleurs, avec le défaut de cette petite capacité d'intelligence ! » Le trouble ayant envahit les certitudes, « Où est l'ancêtre ? Il est british ! Beau, intelligent. [...] 1911 : On ne pardonne pas l'Africain [i.e. les hominidés fossiles] et le peu de centimètres cubes du crâne. [...] La revue Nature affirma, « ce n'est pas un hominidé ! » » Le racisme n'y est pas pour rien... Le professeur relève la tête et lance d'une voix tonitruante, « 1953, le spectromètre de masse permettent aux physiciens chercheurs de se mettre au travail, avec la mesure du fluor ! En 1871, la revue Nature énonça que les animaux les plus proches sont les chimpanzés, avec ancêtres communs ! » Épris d'une exaltation, il s'écria, « Prédiction incroyable, car on ne savait rien de la génétique, parmi les silences et les convictions ! » Puis, il chuchota dans un ravissement, « 1967, sur le plan génétique nous n'avons que 2% de différences. Regardez-moi, regardez-les ! » L'assistance s'amuse de ce troublant comique de situation, « C'est là que tout achoppe avec cette stupidité du chaînon manquant ! L'ancêtre commun, où est-il ? Charles Darwin en 1871, donne la réponse. Beaucoup n'ont jamais trouvé de fossiles, mais écrivent beaucoup [dit-il avec amertume]. [...] Le milieu de nos origines serait comme l'Okavango [alors qu'il est aujourd'hui désertique], cela aussi n'aide pas [en référence à l'inconstance de nos préjugés sur le phantasme de nos origines] ! [...] La revue Nature avance le facteur d'impact de 32. [...] Les comptes rendus US ne sont pas meilleurs que ceux du collège de France. »

Le paléontologue Michel Brunet travailla en marge de la pensée dominante, pendant 30 ans, grâce à la confiance de son supérieur hiérarchique qui ne lui demanda jamais de comptes ; chose impensable avec la réforme de la ministre Valérie Pécresse de 2009. Jamais Michel Brunet n'aurait pu trouver Toumaï, le 19 juillet 2001, dans le désert tchadien du Djourab à 800 km au nord de Ndjamena, sans cette liberté française de la recherche. Sa théorie fit rire l'essentiel de la communauté scientifique internationale, tant ses méthodes transversales heurtait l'académisme de ses pairs. On voulut qu'il fut en rivalité avec son confrère le paléontologue Yves Coppens (découvreur de Lucy), mais rien n'y a fait, les jalousies n'atteignirent pas les deux grands hommes. Michel Brunet et Yves Coppens ont toujours eu d'excellentes relations professionnelles et une grande estime l'un pour l'autre.

Moulage du crâne holotype de Sahelanthropus tchadensis TM 266-01-060-1, surnommé Toumaï, en vue facio-latérale.
Wikimedia Commons, publié par Oryctes sous GNU

Lors de colloques aux USA, il n'a pas été rare qu'on lui propose une place très lucrative qu'il refusa honnêtement. Lui qui n'oublie jamais à qui il doit sa liberté de recherche : « Les américains nous courent après... – Tu viens d'où ? – Poitiers, ça existe ? – Oui, un groupe pastoral entre Bordeaux et Paris ! La faculté de Poitiers fondée en 1431 : un siècle de plus que le collège de France... »

Le professeur au Collège de France, Michel Brunet savourant à juste raison sa respectabilité internationale, après tant d'humiliations sur ses travaux... « la prédiction juste de Darwin est de ne pas accepter de ne pas se baser sur les faits : Darwin, un précurseur génial ! Le créationnisme est une atteinte à la laïcité, l'immixtion du religieux. On a fait la révolution, il n'y a pas de raison que les autres ne nous [la France] suivent pas ! Ne soyez pas timides, vous arrivez avec vos questions, je viens avec mes réponses ! » Michel Brunet voulut que sa découverte se réconcilie avec les héritiers de la terre tchadienne. Il voulut que le fossile humain porte le nom d'espoir de vie : Toumaï en langue locale. Michel Brunet chercha à établir une coopération scientifique durable avec le Tchad, à réconcilier les peuples avec la Science. Il n'hésite pas à aller à la rencontre des petits et grands dans les écoles de la République...

Michel Brunet découvrit le premier primate, cet hominidé bipède de l'espèce éteinte des Sahelanthropus tchadensis. Que serait une science sans racines pour la nourrir ?

ANNEXE

ANNEXE

       Michel Brunet : professeur du Collège de France, Chaire de Paléontologie humaine ; membre Institut International de paléoprimatologie et paléontologie humaine, IPHEP UMR CNRS 6064 de l'université de Poitiers. (voir le communiqué de presse [pdf])
      


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