En 2015, François Hollande c'est 900 euros de dette publique supplémentaire par français !
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14ème Chronique

RICM : Hollande, Sarközy, qu'avez-vous fait de Kâpîssâ ?

Kritix, le Sunday 20 May 2012 - 4746 consultations - Commenter la chronique

Les USA ont armé les Talibans contre les Soviétiques.
Les USA ont lutté contre les Talibans.
Les USA veulent la paix avec les Talibans.

Du Guesclin, France d'airain ! Chevaleresque reste caractère du génie militaire. Général deux étoiles, François Lecointre, commandant d'armes de la place de Poitiers, commandant de la brigade légère blindée de Marine ; fédérateur il rassure à entendre patriotes, à observer cohésion nationale, républicaine, démocratique. Sens de l’État, service rendu à la République témoigne d'une noblesse historiée en pacifications françaises redevables de sacrifices patriotiques ; abnégation d'une armée professionnelle et moderne. Vicissitudes des temps n'aura de prise sur la flamme d'une France une et indivisible qui, au matin des grands périls, s'en remettra à ses soldats.
       L'armée est nécessaire attribut de souveraineté. Les français de 2012 ne sont pessimistes mais lucides ; l'alignement atlantiste éloigne les français de l'institution militaire : la souveraineté n'est plus comprise. On n'apprend rien en disant que 2012 est choix d'un chef des armées françaises, comptable d'une souveraineté à reconquérir. Brocéliande s'agite. Le Drian, la France attend !

RICM : Task Force La Fayette mandat 3 au champ d'honneur de Kâpîssâ

Près de 4000 soldats français dans la province de Kâpîssâ au printemps 2011. Mission en zone périlleuse et stratégique pour tenter de regagner les cœurs et les esprits, vœu pieux américain, réalité qui deviendra française.
       À la manœuvre, les Talibans utilisent la solidarité Pachtoune, font régner terreur et désolation, chez les tribus conciliantes avec le soldat de la Neuvième. L'armée française négocie, en assemblées coutumières, cherche à comprendre et protège de l'islamisme radical le peuple afghan. L'idéologie talibane portée par les insurgés arrive à se fondre parmi les civils, invisible. Les soldats de La Fayette ont donc choisi de couper la route Pakistan-Kaboul aux Talibans, maîtrisant ainsi l'itinéraire stratégique le plus direct : celui des crêtes des contre-forts himalayens, lieu de caches pour insurgés armés.

Exception française qui confirme la règle atlantiste.

Le général Jean-François Hogard, commandant de la Task Force, et le colonel Henry de Medlege auront durant toute la mission accomplis ce que l'OTAN ne réussira jamais : pacifier un peuple afghan inféodé à l'auto-détermination, opium de certains peuples.

Le grand reporter Didier FRANÇOIS, le général François LECOINTRE du RICM, le colonel Michel GOYA et le colonel Henry de MEDLEGE (de gauche à droite) aux salons de Blossac de Poitiers le 9 novembre 2011.
© kritix.com

Janvier 2012 : l'héritage des soldats de La Fayette sera totalement anéanti par l'opportunisme américain qui daigne négocier l'impensable avec les Talibans ! Le président américain Barack Obama préfère le chaos afghan à un monde arabe pacifié. Le président français François Hollande accède à cette faiblesse par politique de courte vue ! Hubert Védrine que faites-vous ? Depuis des décennies les américains servent plus ou moins ouvertement les intérêts talibans dans leur seul intérêt de politique étrangère, du moins le croient-ils : God bless America ! Que le chef des armées françaises de juin 2012 s'en souvienne !

Quand le lycée français de Kaboul accoucha d'un Lion

Christophe de Ponfilly avait su célébrer l'Afghanistan d'un Islam modéré, éclairé. Le pieux commandant Ahmad Shah Massoud fit trembler les Soviétiques, trembler les Talibans, possible Saladin assassiné par l'autisme occidental à la veille d'un 11 septembre 2001. Les Jumelles détruites, les USA du Talion allaient combattre en grande candeur drapés, les ex-alliés américano-talibans définitivement privés de l'indispensable Massoud, meilleur ennemi du terrorisme international, cauchemar des Talibans et francophile.
       Une décennie plus tard, les atlantistes échouent platement sur le sol afghan, malgré les exploits des soldats français qui n'arriveront pas à excuser les exactions d'une Amérique inculte.

Tenir l'Afghanistan, c'est contenter les chefs tribaux

Depuis les irréductibles et félines montagnes du Panjsher, en creux les vallées et Kâpîssâ la provinciale sont autant terres arables striées de rivières que torrents himalayens. Y subsister est chasse gardée : gageure ethnique, clanique défendue par les Pachtouns , les Tadjiks... D'autres continuent en vallées du Panjsher à se battre contre la nature, les migrations : la terre n'appartient qu'à celui qui se bat pour elle. Traditions et coutumes feront le reste. Les guerres tribales, voire fratricides relèvent de la subsistance dans des espaces vitaux rares et enclavés.

Le grand reporter Didier FRANÇOIS aux salons de Blossac de Poitiers le 9 novembre 2011.
© kritix.com

Ainsi vont les alliances, de trahisons en réconciliations depuis des générations et des générations. Contexte que ceux de La Fayette ont dû au cours de leur mission , gérer humeurs et complots de ceux des civils tantôt alliés tantôt ennemis, selon des intérêts particuliers, toujours négociables. Déjouer les écueils de cette logique infernale, devenait possible à partir du moment où les soldats français surent se faire accepter des civils afghans, en leur montrant combien l'intérêt de tous était la paix et la reconstruction de l'Afghanistan, pour chacune des souverainetés tribales ; asseoir les légitimités de la tradition et mettre un terme à la Terreur.

La présidence Sarközy décida l'alignement de la France dans l'OTAN. C'est dans ce reniement subi, que les soldats de la Neuvième durent accomplir une mission de combat contre matrice et organigramme de la nébuleuse Al-Qaïda en province de Kâpîssâ. Participer de la lutte contre le terrorisme international relève tant du renseignement que de la ruse au combat : le feu massif étant l'axe fanatique de la brute et du truand ; Errance et damnation que l'avant-garde française arriva à conjurer en mission...

Mépris pour le pays, déni pour la Patrie

Ainsi, allaient au combat les engagés de la Task Force La Fayette mandat III d'octobre 2010 à mai 2011 : couper la voie sacrée au ravitaillement Al-Qaïda. En première ligne, le drapeau tricolore claqua au vent tourbillonnant, l'anglicisme en prête-nom, l'atlantiste renoncement pour gouverne et porte-glaive politicien. L’insoumise flamme patriotique moqua le retranchement. Si l'ennemi est invisible, allons prêcher les Lumières là où prospère l'obscurantisme. C'est en cela que la TFL III fut exemplaire. La France, si fière de ses soldats quand la grille du coq ouvre sur un jardin républicain flétri, que le peuple souverain ne reconnaît plus. Flamme patriotique est celle qui dans les cœurs des hommes de la Neuvième porte au pinacle des Invalides, les dignités d'un peuple abandonné aux marchands ! Faust n'aura pas la Neuvième.

« Gagner les cœurs et les esprits » était le mandat III, sauver des vies afghanes fut la « french touch » de la TFL III

« Une guerre qui ne dit pas son nom », un Afghanistan qui enlise celles et ceux voués aux gémonies, après que leurs ombres impérialistes ne les aient rattrapées. Le commandement interallié ne trouva que désolation derrière ses fausses pudeurs.

Le grand reporter Didier FRANÇOIS, le général François LECOINTRE du RICM, le colonel Michel GOYA et colonel Henry de MEDLEGE (de gauche à droite) aux salons de Blossac de Poitiers le 9 novembre 2011.
© kritix.com

Salons de Blossac de Poitiers à l'automne 2011... Didier François, grand reporter, trépidante élocution de l'urgence :
       « J'ai eu la chance et le privilège de pouvoir travailler avec la Task Force Lafayette pendant tout le début de l'opération. [...] Leur maîtrise du feu qui est compliquée à comprendre dans certaines missions difficiles, la retenue par rapport aux populations civiles locales m'a impressionné [Ce qui selon lui, n'a pas été le cas des Soviétiques, Ndlr] [...] J'ai découvert la vallée du Tagab, non pas en 2010 mais en 1986. À l'époque c'était les Soviétiques qui occupaient ces lieux. [...] On partait de Peshawar... D'un point de vue militaire tout cela est cohérent, mais d'un point de vue local c'est l'infiltration : c'est là où ils attaquent...
       Et à l'époque qui étaient les supplétifs des soviétiques ? Pourquoi ils se battent ? Parce qu'il y a une pression démographique extrêmement forte sur les vallées de haute-montagne ; que la question du foncier est fondamentale. Et que de façon traditionnelle, les tributs s'affrontent pour maîtriser soit le foncier, soit la route.
       Pourquoi ? Parce que le foncier permet de faire pousser [les cultures vivrières et l'opium] et donc de ramasser de l'argent... Parce que la route permet de rançonner. [...] [Les groupes tribaux] ont une tradition ancienne de s'appuyer sur les étrangers pour la nécessité de reprendre leurs conflits internes. Et d'un certain point de vue ils nous subissent tout autant.
       […] L'excellence tactique de l'armée française
[Constatée par les journalistes au centre de commandement interallié de Bagram, Ndlr] […] en terme d'intégration des armes, de conception du combat, d'intégration en interallié... L'armée française a fait des progrès considérables en Afghanistan. […] La brigade a réussi à rouvrir cette route [Dominée par l'influence talibane, Ndlr] en mai 2011 qui n'était plus ouverte depuis longtemps. Et en juillet 2011 tout a basculé quand ils ont apprit que les français allaient partir. Les Afghans qui sont des gens par nature qui ont apprit à survivre, sont en train de chercher des solutions de survie. Ils en ont trois.
       Soit ils ont la possibilité d'avoir un passeport et la possibilité de partir. Soit ils ont la possibilité de trouver quelqu'un qui va les protéger ; Pachtounes, Hazâras ou Tadjicks. Soit les gens qui nous avaient rallié, ils commencent à trahir et on voit réapparaître un certain nombre de groupes qui avant étaient avec nous, qui maintenant sont contre nous...
       C'est çà l'Afghanistan, c'est très difficile. Ce n'est pas un jugement porté sur les armées de la France. C'est la difficulté même de la nature de ce terrain et de ce conflit. La Kâpîssâ est une zone très difficile parce que l'insurrection est une insurrection locale ; parce qu'elle est profondément ancrée... Mais ce n'est pas la seule zone difficile. […] La difficulté peut être aussi variable. Aujourd'hui, la Kâpîssâ est plus difficile, […] parce que les américains ont retiré des troupes sur la frontière pakistanaise.
[depuis que Oussama Ben Laden ait été neutralisé par l’ambiguë concours du Pakistan : complexité stratégique où le manichéisme est impossible... Ndlr] »

La vérité tranchante de l'offensif colonel et historien Michel Goya

« L'engagement de la coalition, de manière générale, touche à sa fin parce que les américains en ont décidé ainsi. Le président Obama avait promis qu'en 2014 il n'y aurait plus d'unités de combats, ce qui ne signifie pas nécessairement plus de troupes américaines. […] Dans le cadre d'une coalition asymétrique [avec la prédominance US, Ndlr], c'est la première fois pour nous français que nous sommes engagés dans une campagne de ce type : de lutte contre une organisation non-étatique. C'est la première campagne où nous ne sommes pas des leaders. […] Ceux qui prennent la décision, c'est l'actionnaire principal : les États-Unis d'Amérique […] 2014, ce sera aussi fini pour nous aussi et peut-être même plus tôt, en fonction des enjeux de politique intérieure... » La Présidentielle française de 2012 lui donnera raison.
      

Réunion publique du RICM aux salons de Blossac de Poitiers le 9 novembre 2011.
© kritix.com

« Du point de vue local, il est probable qu'une fois que les forces de la coalition se seront retirées, rien n'aura changé fondamentalement. […] On restera dans une zone pro-gouvernementale centrée sur Kaboul. Avec une démocratie imparfaite, mais une démocratie quand même. Avec un début de développement économique. Et une zone dominée par les Talibans, essentiellement dans les zones rurales du sud-Pachtoune qui sont tenues très solidement par ces gens-là.
       On se retrouve finalement dans une situation un peu inverse de celle lors de notre engagement de l'époque, où l'on avait une Alliance-du-Nord qui résistait aux Talibans
[en Kâpîssâ... Ndlr] qui avaient contrôlé Kaboul et le reste du pays. Alors on est un peu dans une situation inverse ; en tout cas la coalition aura vaincu les Talibans. » Depuis janvier 2012, les Talibans reconquièrent l'Afghanistan.

« Alors ce qu'il risque de se passer, c'est que l'on va rester dans cette situation d'équilibre instable, que la guerre va durer longtemps en Afghanistan qui semble condamné à être perpétuellement en guerre... Mais un équilibre instable qui finalement peut satisfaire à peu près tout le monde, surtout s'il y a des changements brutaux de la part de l'extérieur. Si par exemple, les américains ne souhaitent plus soutenir financièrement le gouvernement Karzaï et d'aider l'armée. On est quand même dans une situation où l'armée nationale afghane est payée par des étrangers ! L’État afghan est incapable de payer sa propre armée. Donc si un beau jour les américains décident la suppression, pour des raisons économiques, de cesser à fournir cette aide, l'armée peut s'effondrer de la même façon que l'armée sud-vietnamienne en 1975 qui s'est effondrée dés que le Congrès américain a voté contre poursuivre l'aide. »

« On peut aussi imaginer une réhabilitation du Pakistan : acteur majeur régional, c'est la clé, c'est allié objectif des Talibans. Ou enfin plus exactement, les Talibans ont été un instrument dans la région. Si les pakistanais décident de s'impliquer plus largement ou d'aider plus largement les Talibans, comme en 1994, cela peut faire basculer cette situation. Mais très probablement, on va installer un conflit larvé avec des changements d'alliances de part et d'autre et cela pendant un certain nombre d'années. Ce qui peut satisfaire le Pakistan, parce que c'est l'arrière de l'Afghanistan. Et la grande peur quasi irrationnelle des pakistanais, c'est d'être complètement encerclés [par l'Inde et l'Afghanistan, Ndlr]. Donc à la limite, un Afghanistan neutralisé par ce bocage peut satisfaire. Ce bocage peut aussi nous satisfaire tant que l'Afghanistan ne disparaîtra pas comme l'un de nos membres et tant que les choses tiennent. On peut estimer qu'on a à peu près rempli le contrat comme le disaient les soviétiques après leur départ où la situation a effectivement perduré pendant quelques années.

« Plus généralement aussi, on peut même imaginer que le départ de la coalition veut aussi abaisser un certain nombre de tensions vis à vis de l'Iran. On se retrouve quand même dans une situation où les américains ont débarrassé l'Iran de deux de ses ennemis : Saddam Hussein et les Talibans de Kaboul. Il n'y aura plus d'américains en Irak et ils sont en train de se replier de l'Afghanistan. Et donc, on peut imaginer, c'est l'Histoire qui le dira, que l'Iran, la paranoïa de l'Iran diminue. [...]
       Maintenant, du point de vue international, il faut quand même rappelé que la mission première de la présence en Afghanistan c'est la lutte contre Al-Qaïda, contre le terrorisme international. Cette lutte contre Al-Qaïda semble gagnée. Al-Qaïda n'est plus présente en Afghanistan ou très marginalement. Ce combat contre Al-Qaïda vient des coups des américains, de Ben Laden, au Pakistan ou ailleurs. Al Qaida a échoué dans les peuples arabes. Al-Qaïda n'a jamais réussi a s'implanter véritablement en Irak, dans les territoires palestiniens... Elle est toujours restée en périphérie du monde arabe : au Pakistan, en Somalie, dans le Sahel. »

Réunion publique du RICM aux salons de Blossac de Poitiers le 9 novembre 2011.
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« Donc cette guerre semble en voie d'être gagnée. […] Alors est-ce que l'on peut imaginer un retour des bases terroristes dans les zones tenues par les Talibans au sud afghan ? Rien n'est moins sûr. Il n'est pas sûr que les Talibans aient envie à nouveau de réaccueillir les offices internationaux auprès d'eux. Les afghans eux-mêmes n'ont pas pratiqué le djihadisme international. […] Est-ce ce que ce qui peut paraître comme une défaite va stimuler le djihadisme international ? Là aussi le contexte a beaucoup changé. Le 'printemps arabe'' est passé par là également et redistribue très largement les cartes dans cette région du Monde. […] Et je dirai que çà a un peu facilité notre repli d'Afghanistan. »

« Au passage, un autre aspect qu'on néglige un peu, c'est l'opium. En fait, l'Afghanistan est de très loin le premier producteur mondial d'opium. L'opium tue chaque année beaucoup plus que le terrorisme : ce qui ne suscite pas beaucoup d'émotions. »

Coûts humains et matériels pour la France

« On approchera vraisemblablement la centaine de soldats tués en Afghanistan en 2014. On aura aux alentours de 500 à 600 blessés graves. On aura perdu de manière visible l'équivalent d'un régiment dans cette guerre. […] Mais aussi les gens qui auront des blessures psychologiques, ceux qui vont quitter l'institution. Donc des pertes secondaires pour l'institution que l'on aura du mal a mesurer.
       Au bout du compte, la campagne d'Afghanistan pour la France approchera les 4 milliards d'euros. Uniquement pour l'effort militaire.
[à mettre en rapport avec les réformes sarkozystes de rigueur budgétaire de la Défense nationale qui avoisinent, après les ministres Alliot-Marie et Morin, les 1,3 milliards d'euros, Ndlr] […] Cet objectif diplomatique [se montrer comme bons amis des américains, Ndlr] est en contradiction avec la politique intérieure : l'insécurité nationale n'est pas évidente et l'anti-impérialisme [font que] [...] c'est une guerre impopulaire et donc de moins en moins visible. »

« Le travail des forces françaises est remarquable avec la formation de l'armée afghane. Une grande partie des officiers afghans sont formés par des français […] qui vivent avec eux, combattent avec eux, sont là pour les conseiller, les encadrer.
       Au niveau tactique, la 9ème brigade a été remarquable. Maintenant si on prend un peu de recul, on voit les limites de notre Défense malgré tout, dans ce type de conflit contre l'insurrection, un peu comme la guerre d'Algérie […] où l'objectif est le contrôle de la population. C'est une guerre qui est longue : quatorze ans. Ce sont des conflits qui demandent beaucoup d'investissements humains et là avec deux bataillons en permanence essentiellement d'infanterie, il y en a 20 en France... Autrement dit il y a 10% des unités d’infanterie françaises qui sont engagées pour pacifier une Région qui représente 2 à 3% de la population afghane. […] Pour sécuriser Bagdad, les américains ont engagé 40 000 hommes, 80 000 soldats irakiens, des dizaines de milliers de miliciens. […] Avec le contrat opérationnel qui est demandé aux forces françaises, de déployer 30 000 hommes, on est capable de pacifier au maximum 1,5 millions de civils. Dans ce type de conflit, voilà ce que la France est capable de faire. »

Le général François LECOINTRE (à gauche) du RICM, le colonel Michel GOYA (au centre) et le colonel Henry de MEDLEGE (à droite) aux salons de Blossac de Poitiers le 9 novembre 2011.
© kritix.com

Le grand reporter Didier François évoquera les mentalités afghanes par anecdote d'un virement bancaire qui se fera sur le tapis et sans aucune technologie dans un temps record ! Et de terminer en qualifiant le terrain : « L'Afghanistan c'est une zone de transit, c'est un bazar ! ». Pour lui, la tradition française de concertation qui responsabilise les acteurs locaux est la bonne méthode.

Le chef d'état-major de la Task Force Lafayette III, Henry de Medlege, sur l'aide contre-productive :
       « Quand on injecte beaucoup d'argent dans une société complexe, ça a parfois un effet indu. Juste une petite anecdote...
       C'était des américains qui étaient arrivés dans un village et voyaient des femmes qui faisaient des kilomètres pour aller chercher de l'eau. Eh bien ils se sont dit, c'est pas bien compliqué, on va reconstruire le puits. On reconstruit le puits. Et puis ils reviennent deux jours plus tard et le puits est bouché ! Et ils s'aperçoivent que le puits a été bouché par les femmes ! Femmes qui étaient très contentes de sortir et d'aller loin ! […]
       Globalement le terrorisme djihadisme est resté très réticulaire... Il n'a jamais réussi à devenir un mouvement de masse : il est resté très diffus, très personnalisé. L'élimination de Ben Laden, çà a été un vrai coup dur, mais je pense que Al-Qaïda était déjà sur la fin. Le pire échec pour Al-Qaïda, c'est L'Irak ! Un terrain béni pour le djihadisme international... Or, il a quand même trouvé le moyen de se faire rejeter par les mouvements nationalistes sur place ! Ils ont préféré s'allier aux américains, plutôt que Al-Qaïda n'entre… »

Confiance, mère du Renseignement

Le colonel de Medlege, l'expérience accrochée à la boutonnière :
       « En ce qui concerne le renseignement, et d'abord comme dans tout état-major de brigade, il y a un bureau de renseignement qui était alors particulièrement bien fourni avec un bras armé et toute une palette de capacités de renseignements... Le plus évident, c'était le soldat sur le terrain et le contact avec la population ; c'est déjà du renseignement, une appréciation, on ne peut pas s'en passer. Si on ne comptabilise pas le nombre d'habitants, de femmes, d'enfants ; et que le lendemain quand on vient, il y a du monde en plus et que l'on essaie de comprendre pourquoi... Et que l'on a des indices de montée de tensions, de montée en puissance d'une action insurgée... L'homme est la source de renseignements à la fois la plus intelligente, mais qui a été parfois, un certain temps méprisée. Parce que quand c'est l'homme qui parle, il faut lui faire confiance... On fait confiance à l'objectif, à des photos ; mais on ne fait pas confiance à l'homme qui parle ! »

Le général François LECOINTRE (à gauche) du RICM et le colonel Michel GOYA (à droite), aux salons de Blossac de Poitiers le 9 novembre 2011.
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« On a une palette de renseignements liée aussi à une série de drones. Soit qui étaient des nôtres au niveau du bataillon, soit du niveau de la brigade ; et puis niveau encore au-dessus qui était dans le pot commun avec les américains ; et donc nous recevions aussi d'autres éléments en direct... de renseignements-imageries.
       Le renseignement est une composante essentielle pour une opération... Je prends un exemple : la première opération que nous avions faite d'envergure de brigade lorsque nous étions arrivés, c'était au mois de novembre [2010]. C'était reprendre pied dans le sud Baghlân […]. On n'y voyait pas à deux mètres. L'idée c'était de rentrer et puis d'y rester au moins cinq jours pour donner un message à l'insurrection qu'elle n'était pas chez elle comme un poisson dans l'eau. Ceci n'a pu se faire que par du renseignement. Mais du renseignement, c'est-à-dire par une série de manœuvres fausses entrées, sorties, de re-rentrées... Mais dans le pourtour tout était quadrillé : observations, écoutes de compréhensions, images pour comprendre comment faisait l'insurgé, pour pouvoir comprendre ses modes d'actions. Ce qui d'ailleurs n'était pas toujours compris par nos amis américains qui sont assez sanguins dans cette affaire... Et qui comprennent pas qu'on laisse passer dans les premiers jours dix insurgés armés se déplacer... Et qu'on dise : attendez ! C'est normal, on essaye de comprendre comment çà se passe pour le jour où l'on rentre et l'on se fait tirer dessus. On pourra avoir la riposte à la hauteur de nos ambitions. Donc c'est un vrai renseignement de préparation. »

Le renseignement d'eunuques

« Il y a un deuxième type de renseignements... C'est le renseignement, je dirais, de l'action immédiate qu'on avait perdu un certain temps. Comme nous sommes au niveau d'une brigade, c'est un niveau tactique. Alors il y avait le niveau au-dessus qui était à Kaboul et qui nous donnait les renseignements stratégiques. Mais au niveau tactique, le renseignement est bon si c'est du renseignement à des fins de combats. Si c'est du renseignement pour analyser, se faire plaisir, comprendre la zone et faire de beaux rapports, c'est du renseignement d'eunuques ! »

« Du vrai renseignement, c'est un renseignement qui a une capacité de confirmation qui peut être dans tous les domaines — aussi, avec nos amis allemands qui ont d'excellentes sources de renseignements. [Du vrai renseignement, c'est un renseignement] avec une capacité de confirmation parce que un seul renseignement ce n'est pas satisfaisant. [Du vrai renseignement, c'est un renseignement] avec une rémanence de cette information [qui] est couplée à une capacité d'action et de frappes immédiates. Là, ce type de renseignements est pour nous un renseignement valable. »

Réunion publique du RICM aux salons de Blossac de Poitiers le 9 novembre 2011.
© kritix.com

« Alors çà a deux vertus. D'abord, cela agit sur la diminution de la pression de l'insurgé par des actions directes qu'il ne comprend pas toujours. Et deuxièmement, nous avions par cela une véritable autonomie de la compréhension du terrain. Je prends un exemple assez simple. En terme d'incompréhension avec nos alliés, c'était plutôt logique parce qu'ils n'étaient pas dans le même raisonnement... Souvent ils ont des armements de dimension industrielle... Ils ont des moyens colossaux et l'on raisonne avec, je dirais, avec un côté contrôle de l'espion, parfois. Lorsque le combat avait pour conséquence la mort d'insurgés ennemis, il ne s'agissait pas de dire l'opération s'est passée, parce que l'objectif n'est pas de tuer l'insurgé, mais l'objectif est souvent de [contrôler le] terrain. [L'objectif] est aussi à travers un certain nombre de messages et à travers une présence permanente, une montée en puissance là-bas. Et d'ailleurs, souvent dans les opérations où il y avait des morts d'insurgés, on ne donnait pas les résultats tout de suite en matière de renseignements, parce qu'on voulait s'assurer qui avait été tué, où, par qui, par quoi, quand et comment.
       Et donc nous donnions des résultats qui sont macabres et qui ne s'exportent pas... Parce que ce n'était pas la finalité... Mais qui était au plus juste et au plus réaliste par aussi nos propres renseignements. Et qui ne collaient pas toujours avec la conception américaine qui était celle de faire des statistiques. Vous évaluez à combien le nombre de morts ? Ce n'est pas le nombre de morts qui est important... [le nombre] sera décalé dans le temps : peut-être un jour, peut-être un peu plus pour l'affiner […]. Pour à l'opération suivante, ne pas donner une vision de l’insurrection qui soit fausse parce qu'on s'est gargarisé de faux chiffres. Pour cela, on a nos propres renseignements, nos propres contacts et nos propres moyens. »

« Enfin et pour finir, j'ajoute que le renseignement c'est bien, mais c'est la façon de ce que l'on en fait : la compréhension du terrain et l'intelligence humaine... C'est-à-dire que c'est par le contact humain... C'est ce qu'il y a de plus important, parce qu'il ne s'agit pas de verser dans les statistiques et analyses... Il s'agit de faire du renseignement à des fins d'actions. Et nos alliés l'ont compris au mois de décembre après une grosse opération, après beaucoup d'attente... Et ils ont été très intéressés par cette façon de faire... Je dirais la patience que nous avions en ce domaine. »

Le sang froid des Tigres et du CAESAR

Les morts n'entament pas le sang froid. Le colonel Medlege parla sagesse des rangs français :
       « Il y a une complémentarité des moyens. Nous, nous manquions énormément d'hélicoptères qui emmènent des hommes, beaucoup de monde. Ceux américains emmènent 30 à 40 soldats d'un coup. Nous, surtout quand il y a de fortes chaleurs, on a des hélicoptères à 10 personnes maximum. Et donc, sur des zones extrêmement dangereuses, on est obligé de faire vingt allers-retours. Et au bout du troisième aller-retour, ils ont compris en face que si un hélicoptère est détruit avec 40 personnes au tapis, ce n'est pas un cadeau, c'est une défaite qui peut être stratégique pour nous.
       A l'inverse nous avions des moyens qui, je dois le dire, par rapport à l'idée que l'on se faisait des moyens américains, en terme technique sont remarquables. Deux moyens en particulier : les Tigres français que nous avions. C'était les hélicoptères Tigres d'attaque de jour comme de nuit. C'était le must : les hélicoptères américains à côté étaient vraiment un cran en dessous, voire deux ! [...]
       Deuxièmement l'artillerie du CAESAR. Une capacité de tir de précision sur le théâtre afghan que les américains n'avaient absolument pas ! Ils ont utilisé nos CAESAR notamment à leur demande. On les a utilisé à partir de chez eux, avec une capacité de tirs à 30 kms en tirs directs. Nous avons envoyé douze obus, qui traitent un terrain de football si vous voulez, mais avec des gabarits qui peuvent descendre jusqu'à moins de 50 mètres sur 50 mètres depuis 30 kilomètres : une précision exceptionnelle ! C'est-à-dire derrière une capacité de connaissances, une ligne intelligente, puis une vitesse d'exception propre et nette. Ce que l'on peut comparer à certaines actions dites chirurgicales. Et puis si on n'est pas sûr, on ne tire pas. Donc des moyens très comptés, mais dans certains domaines des moyens extrêmement performants. »

Réunion publique du RICM aux salons de Blossac de Poitiers le 9 novembre 2011.
© kritix.com

« Un deuxième exemple... Le deuxième régiment d'infanterie de marine dans le sud, pour une opération particulière a demandé à la brigade, à nous, des moyens en hélicoptères pour pouvoir poser en avance de phase, des observateurs sur des hauteurs ; avant de mener l'opération principale d'observation et de capacité de renseignements et de feu, par les renseignements. Nous n'avions pas les moyens, il y avait un problème de disponibilité-machine et puis ce n'était pas la priorité, ce n'était pas le P1, nous n'étions pas dans la ligne américaine P1 des français. On était P2 dans cette opération parce qu'il y avait des choses beaucoup plus importantes. Donc le chef de corps a dit : ''Mais comment voulez vous qu'on passe ? En fait c'est l'argent du pays des mulets... Finalement, ils sont montés avec des personnels de nuit avec des mulets qu'ils avaient loué un peu plus loin, avec tout son harnachement et son matériel, pour pouvoir monter dans la montagne ! C'est l'exemple extrême opposé à la technologie, mais qui a rempli la mission qu'il pouvait avoir. La seule chose qu'on a demandé par radio c'est ''j'aimerais quand même avoir, pour le retour, des hélicoptères parce que je n'ai vraiment pas envie de redescendre à dos de mulet !'' Voilà un exemple technologique versus les moyens atypiques. »

Fier de ses hommes, rusé comme un sioux, le colonel Henry de Medlege avait servi la République.

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