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1ère Chronique

Anesthésie mosco ' vite !

Kritix, le Monday 4 November 2002 - 4482 consultations - Commenter la chronique

Dans son adresse télévisée de samedi 26/10/2002, le président Poutine a qualifié les preneurs d'otages d'"ordures", tout en jugeant que la fermeté des autorités avait "prouvé qu'on ne peut pas mettre la Russie à genoux". La présidence russe a annoncé dimanche 27/10/2002 une journée de deuil national pour lundi 28/10/2002. Vladimir Poutine a affiché une image d'intransigeance face aux preneurs d'otages, et pour l'instant sa popularité en sort grandie, selon un expert. "La catastrophe menaçait Poutine en tant que dirigeant, et elle n'a pas eu lieu. Le président accumule donc du capital politique", a estimé le sociologue Alexeï Levinson. Seul le sociologue Lev Goutkov juge que les autorités se sont conduites "de façon cruelle et irresponsable". Quant au politologue Vladimir Pribylovski, il constate que "les autorités traitent mal notre peuple, mais c'est parce que le peuple lui-même n'accorde pas beaucoup de valeur à la vie, l'important c'est l'homme fort".Le succès relatif de l'opération devrait conduire à un durcissement de la position de Moscou sur le conflit tchétchène.

La Russie rendait ainsi hommage lundi aux 117 victimes de la prise d'otages de Moscou, soulagée par le dénouement rapide du drame, mais inquiète des faiblesses que cette opération spectaculaire menée par un commando d'indépendantistes tchétchènes a révélées. Le président Vladimir Poutine a déclaré que la Russie prendrait des "mesures adéquates" contre les terroristes "où qu'ils se trouvent", soulignant que "le terrorisme international" devenait "de plus en plus audacieux" et menaçait "d'employer des moyens comparables aux armes de destruction massive"."La Russie ne fera aucune concession aux terroristes, et ne cédera jamais au chantage", a-t-il ajouté, se plaçant sur le même terrain que le président George W. Bush après les attentats du 11 septembre. Dans un tel contexte, l'offre du président indépendantiste tchétchène Aslan Maskhadov de négocier sans conditions avec Moscou pour trouver une solution politique en Tchétchénie est purement et simplement rejetée.

Dans tout le pays, les drapeaux ont été mis en berne alors que le gouvernement et les écoliers ont observé une minute de silence en hommage aux victimes pour lesquelles Vladimir Poutine a demandé pardon à la nation. Les télévisions et les radios ont renoncé à la publicité et les programmes de variétés ont été supprimés. Sur les lieux de la prise d'otages, un théâtre du sud-est de Moscou où se jouait la comédie musicale à succès Nord-Ost, les Moscovites ont déposé des bouquets de fleurs et allumé des bougies. Un office des morts a été célébré par le Patriarche orthodoxe de Moscou et de toutes les Russies, Alexis II. Cent dix-sept otages sont décédés, dont 115 en raison de l'inhalation d'un gaz incapacitant utilisé par les forces spéciales russes lors de l'assaut donné le samedi à l'aube pour mettre fin à la prise d'otages de quelque 800 personnes. 405 ex-otages sont toujours hospitalisés, dont 45 dans un état grave. Une quarantaine de familles sont sans nouvelles de leurs proches. La presse russe et les hommes politiques, à l'exception du parti communiste, se sont pourtant abstenus de critiquer l'assaut des forces spéciales."Nous avons montré au monde entier et aux bandits que nous avons d'autres réponses que des négociations lâches avec les terroristes et une satisfaction honteuse de leurs exigences", écrit le quotidien Vremia Novosteï (libéral)."Nous avons vécu une tragédie mais cela aurait pu être bien pire", ajoute-t-il. Kommersant (libéral) est l'un des rares quotidiens à mettre en cause l'utilisation d'un gaz incapacitant dont la composition demeure un mystère, accusant les services de sécurité (FSB) de s'être livrés "à une expérience sur les otages".

Le gaz employé pour l'assaut n'avait jamais été utilisé auparavant par les unités spéciales, dont des membres ont eux-mêmes été intoxiqués, selon des témoignages cités par la presse. Les services de secours ne disposaient pas non plus de moyens pour en neutraliser les effets sur les otages ou pour s'en protéger eux-mêmes, a affirmé un sauveteur, Iouri Pougatchev. La presse se montre en revanche sévère sur le fait qu'une prise d'otages aussi audacieuse ait pu être menée à bien par le commando d'indépendantistes sans éveiller les soupçons."Pourquoi nos services de sécurité n'ont-ils pas de réseau d'agents pour prévenir de tels actes ? Comment se fait-il que le ministre de l'Intérieur ait découvert seulement après l'assaut qu'il y avait à Moscou un réseau terroriste?", s'interrogeait Vremia Novosteï. "Tout est fini mais tout ne fait que commencer", soulignait Izvestia, reflétant la peur de la population de nouveaux actes terroristes. Le président russe a annoncé qu'en raison de "la menace croissante du terrorisme international, des ordres allaient être donnés aujourd'hui à l'état-major pour un changement des plans d'action des forces armées". Aucune précision n'a été fournie par les agences russes sur le sens donné à ces modifications mais les observateurs s'attendent à une intensification des opérations menées en Tchétchénie où l'armée russe est entrée il y a trois ans. Moscou a également menacé en septembre de lancer une intervention armée en Géorgie pour neutraliser les combattants tchétchènes qui, selon Moscou, se trouvent sur son territoire. Deux personnes soupçonnées de participation à la prise d'otages ont été arrêtées mais deux autres suspects arrêtés ont été relâchés. Cédant en partie aux pressions de Moscou, qui avait accusé le Danemark d'être "complices des terroristes" en raison de la tenue d'un "congrès mondial" tchétchène à Copenhague lundi et mardi derniers, les Danois ont annoncé que le sommet UE-Russie, prévu le 11 novembre dans la capitale danoise, aurait lieu en "terrain neutre" à Bruxelles.

Sur fond de colère et d'interrogations après le dénouement de la prise d'otages de Moscou, les russes étaient en deuil. En effet, 117 des 118 otages qui sont morts ont succombé au mystérieux gaz utilisé par les forces spéciales russes pour neutraliser le commando tchétchène. Selon les médecins, les 117 otages décédés après le raid russe ont été tué par ce gaz dont la composition resta secrète et n'a même pas été révélée aux équipes médicales qui tentaient de sauver les victimes affaiblies par 58 heures de détention. Cinquante preneurs d'otages ont été tués, selon les autorités russes. Parmi les otages libérés du théâtre de Moscou où ils étaient retenus depuis mercredi soir, 405 restaient hospitalisés lundi, tandis que 239 avaient pu regagner leur domicile, selon le Service de santé de Moscou. Le président russe Vladimir Poutine a décrété la journée de lundi jour de deuil national, tandis que la polémique gonflait autour sur le nombre d'otages décédés durant l'opération et les circonstances de leur mort. Le bilan de l'opération menée samedi avant l'aube n'a cessé dimanche de s'alourdir tandis que les familles inquiètes attendaient devant les hôpitaux des nouvelles de leurs proches.

Après que le maire de Moscou Youri Loujkov eut fait état dans la matinée de 30 morts parmi les otages, le bilan est monté à 67 puis 90 dans l'après-midi, pour s'établir finalement à 118, selon les autorités. Les forces spéciales qui ont répandu le gaz dans le théâtre avant de le prendre d'assaut n'ont pas précisé aux autorités médicales la composition exacte de la substance, a déclaré dimanche à la presse le médecin en chef Andreï Seltsovsky. Un manque d'information déroutant pour les médecins et infirmiers qui ont dû prendre en charge plus de 750 otages arrivés inconscients dans les hôpitaux moscovites. Le gaz, dont ils connaissaient la catégorie mais ignoraient le nom, pouvait paralyser les fonctions respiratoires et cardiaques ainsi que la circulation sanguine, ont expliqué les médecins. Les effets nocifs de cette substance avaient été amplifié par les conditions de détention des otages: manque d'eau, de nourriture, de sommeil, immobilité presque totale, stress psychologique intense.

Des proches angoissés continuaient de se presser aux portes des hôpitaux pour demander des nouvelles des membres de leur famille qui y étaient soignés. D'autres faisaient le tour des morgues de la ville. Même les diplomates avaient du mal à recueillir des informations sur les ressortissants étrangers qui figuraient parmi les otages et dont le nombre était estimé à 70. La mort d'une Néerlandaise et d'une Autrichienne est établie. Et au Kazakhstan, des responsables ont rapporté la mort d'une fille de 13 ans originaire de leur pays. C'est l'un des trois enfants dont le décès a été confirmé. Outre les 116 victimes du gaz, deux autres otages sont morts: une femme abattue durant les premières heures de la crise et un homme tué samedi matin d'une balle dans la tête.

Des responsables moscovites ont annoncé lundi dernier que les victimes seraient indemnisées: les familles des personnes décédées recevront 100.000 roubles (3.230 euros) et la municipalité financera les funérailles, selon l'agence de presse Interfax. Les otages ayant survécu percevront 50.000 roubles (1.615 euros). Une minute de silence a été observée lundi dans les écoles moscovites, qui étaient ouvertes, mais nombre d'activités scolaires étaient annulées. La sécurité restait renforcée dans la capitale et sur les routes qui y conduisent. Par ailleurs, la police a arrêté un Tchétchène dans le centre de Moscou après avoir découvert une substance explosive sur lui et dans sa voiture, ainsi que de la littérature islamiste, a rapporté lundi l'agence ITAR-Tass.

Quelques jours plus tard, le Kremlin a fait savoir le 30/10/2002 que le mystérieux gaz utilisé par les forces spéciales pour mettre fin à la prise d'otages du théâtre de Moscou était bien un anesthésique à base opiacée, le fentanyl, a déclaré le ministre russe de la Santé Iouri Chevtchenko. Les propos du ministre devant les journalistes, rapportés par les agences de presse russes, confirment les suppositions formulées la veille par l'ambassadeur des États-Unis à Moscou, Alexander Vershbow. "Pour autant que nous sachions, d'après nos médecins qui ont pu rendre visite à certains des otages américains, pour faire leurs propres diagnostics et s'entretenir avec des représentants du corps médical russe, nous pensons qu'il s'agit d'un opiacé", avait-il dit. Il avait révélé que ce dérivé de l'opium était mieux connu sous le nom de fentanyl, longtemps utilisé comme anesthésiant dans les hôpitaux de nombreux pays, tout en déplorant de n'avoir "toujours pas reçu de confirmation officielle de cette information de la part des autorités russes". "Nous regrettons que le manque d'information ait contribué à la confusion après la fin de l'opération lancée pour délivrer les otages. Il est clair qu'avec une meilleure information, quelques otages de plus auraient pu survivre" a-t-il ajouté. Un citoyen américain figurait parmi les 117 otages dont les autorités russes ont indiqué qu'ils avaient péri intoxiquées au cours de l'assaut mené samedi 26/10/2002 contre le théâtre où ils étaient retenus par un commando tchétchène. "Une substance à base de dérivés du fentanyl a été utilisée pour neutraliser les terroristes. Je déclare officiellement qu'aucune substance pouvant tomber sous le coup des conventions internationales interdisant les armes chimiques n'a été utilisée durant cette opération", a souligné Chevtchenko le 30/10/2002. Les substance opiacées affectent les capteurs de la douleur et provoquent le sommeil. A haute dose, elles causent des problèmes respiratoires. Selon les médecins, trois jours de captivité au cours desquels ils n'ont pu s'alimenter ni se désaltérer normalement ont fragilisé les otages, en particulier les personnes âgées et les enfants. Beaucoup ont succombé à des problèmes cardiaques ou respiratoires. Plus de 300 otages intoxiqués par le gaz sont encore hospitalisés, dont 16 sont dans un état grave. Tout en approuvant la décision du président Vladimir Poutine de donner l'assaut, les États-Unis n'avaient cessé de réclamer des précisions sur le gaz utilisé. Le médecin légiste allemand Ludwig von Meyer, avait déclaré dans la matinée que les forces russes avaient probablement utilisé un anesthésique nommé halothane. Mais un de ses collègues, le dr. Eberghard Koch, n'a pas exclu que cette substance, détectée chez l'un des deux otages allemands soignés à Munich, ait été administrée après coup à titre d'antidote. Selon le dr. Von Meyer, cet anesthésique était couramment utilisé dans les années 80, mais pratiquement abandonné depuis en raison de ses effets secondaires indésirables et des difficultés à les maîtriser.


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