1ère Chronique
Attentisme à l'or noir !
Le monde est en ébullition… l'administration Bush emmène les USA au devant de nouveaux ennemis déclarés: tous issus d'Orient, pays poussés par la rue… Jacques Chirac a déclaré le 08/09/2002, que la France maintenait ouverte l'option d'une intervention militaire contre l'Irak mais comprenait pleinement l'opposition de l'Allemagne à toute implication. Le président français, qui s'exprimait à l'issue d'une rencontre informelle avec le chancelier Gerhard Schröder, au domicile privé de ce dernier, à Hanovre, a déclaré que les deux pays se rejoignaient dans leur opposition à toute intervention militaire unilatérale. Ils ont réitéré leur appel au président irakien Saddam Hussein pour qu'il autorise le retour sans condition des inspecteurs en désarmement de l'Onu et sont convenus que l'Onu devait jouer un rôle essentiel dans le processus.
En raison de son appartenance au Conseil de Sécurité, la France observera naturellement l'évolution du débat au Conseil de sécurité avant de prendre position, a dit Chirac à des journalistes. Dans l'ensemble, j'aimerais dire que la position européenne sur la question est plus ou moins cohérente, a-t-il ajouté.
Schröder, candidat à sa réélection au scrutin du 22 septembre, a réaffirmé que l'Allemagne ne prendrait pas part à une éventuelle intervention contre l'Irak. "J'ai dit au président (Chirac) que l'Allemagne ne participerait pas à une opération militaire, et je lui ai expliqué pourquoi", a-t-il dit. Les sondages indiquent que l'opposition de Schröder à toute intervention militaire a probablement contribué à lui faire rattraper une partie de son retard sur son adversaire chrétien-démocrate, dans une Allemagne que les mauvais souvenirs de la Seconde guerre mondiale ont rendue majoritairement pacifiste.
"Naturellement, je peux comprendre la position de l'Allemagne et du chancelier dans ce domaine", a dit Chirac. J'ai exposé la position de la France, nous sommes contre toute intervention unilatérale dans ce domaine.
Outre Atlantique, Washington peut bien avoir protesté de son "amitié éternelle" pour l'Arabie Saoudite, rien n'est plus comme avant entre Washington et Ryad depuis les attaques-suicide du 11 septembre. Les relations entre les deux capitales se sont nettement détériorées après les attentats dans lesquels 15 des 19 pirates de l'air directement impliqués étaient d'origine saoudienne.
A Washington, ceux qui considèrent l'Arabie saoudite comme un allié des États-Unis se comptent sur les doigts de la main tandis que les rangs de ceux qui voient dans le royaume un ennemi potentiel ne cessent de croître. Pour les milieux diplomatiques, l'ampleur de la dégradation entre les deux pays a été mise en lumière il y a quelques semaines avec les révélations sur la teneur des propos tenus par Laurent Murawiec, consultant de la firme de conseil stratégique RAND Corporation, lors d'un briefing au Pentagone. Il a recommandé que l'Arabie saoudite soit désormais considérée comme un pays hostile aux États-Unis. "On retrouve des Saoudiens tout au long de la chaîne du terrorisme, de la planification des opérations à leur financement, dans l'encadrement comme parmi les exécutants, des idéologues de l'islamisme radical aux prosélytes..." aurait déclaré Murawiec au cours de ce briefing dont le Washington Post a obtenu le compte rendu. "L'Arabie saoudite soutient nos ennemis et s'en prend à nos alliés...Elle est au coeur du mal, elle en est le premier inspirateur".
Si l'administration Bush a ouvertement pris ses distances avec cette analyse, le secrétaire d'État à la Défense Donald Rumsfeld ne fait pas mystère des difficultés dans les relations entre les deux pays. "L'Arabie Saoudite...intervient dans une large gamme d'activités dont certaines, à l'évidence, ne nous posent pas problème, ce qui n'est pas le cas pour d'autres. C'est néanmoins un pays dans lequel nous avons une forte présence militaire et avec lequel nous avons une relation de longue date" a déclaré Rumsfeld, dans ce qui est apparu comme un soutien pour le moins mesuré à Ryad. Pour F. Gregory Gause, professeur de sciences politiques à l'Université du Vermont et auteur d'un ouvrage sur les pétro-monarchies, les relations américano-saoudiennes relèvent plus de l'intérêt bien compris que d'une réelle attirance mutuelle. "Elle ne se fondent pas sur un courant de sympathie réciproque des opinions publiques. Elles sont le fait des élites et reposent sur des intérêts bien compris de part et d'autres. Il n'y aucun sentiment derrière" a-t-il écrit dans un récent article publié dans le World Policy Journal.
Les fondements de l'alliance américano-saoudienne étaient et restent simples. Les Saoudiens assurent le gros de l'approvisionnement américain en pétrole et garantissent une relative stabilité du marché de l'or noir tandis que les États-Unis se portent garants de la sécurité du royaume et de la famille régnante sans être trop regardant sur ses affaires intérieures, notamment en ce qui concerne le respect des droits de l'homme ou le statut des femmes. Certains Américains considèrent toutefois que les fondements de ce compromis ont été sapés par les événements du 11 septembre qui ont mis en lumière le rôle de l'Arabie Saoudite dans la dissémination à l'échelle mondial de l'islamisme radical perçu par ses détracteurs comme profondément anti-occidental, anti-américain et antisémite.
Après le choc du 11 septembre, les États-Unis attendaient de leurs alliés qu'ils leur apportent un soutien sans faille. Ils s'estiment aussi en droit d'attendre une certaine gratitude des Saoudiens après que leur intervention contre l'Irak lors de la guerre du Golfe de 1991 a coupé court aux visées de Saddam Hussein sur le Koweit et prévenu une déstabilisation du royaume wahhabite. Pourtant, Ryad a d'abord cherché à nier toute implication de ses ressortissants dans les attaques suicide. La coopération du régime des Saoud aux enquêtes sur les réseaux finançant Al Qaïda et à leur démantèlement a été jugée timide et manquant de conviction. Et l'Arabie Saoudite déclare maintenant ouvertement qu'elle refuse que les bases américaines installées sur son territoire soient utilisées comme rampe de lancement d'une opération contre l'Irak.
Mais, les Saoudiens ont aussi leurs griefs contre les Américains auxquels ils reprochent leur soutien aveugle à Israël dans sa lutte contre les Palestiniens. De nombreux Saoudiens ne cachent pas non plus leur sympathie pour le peuple irakien dont ils attribuent les souffrances aux sanctions internationales d'inspiration américaine contre l'Irak.
Les détracteurs de l'Arabie saoudite s'en prennent tout particulièrement à la version très stricte de l'Islam qui y est pratiquée et enseignée, la Wahhabisme. Ils estiment que les écoles coraniques financées par l'Arabie saoudite ont largement contribué à répandre l'anti-américanisme au sein des jeunes générations.
James Woolsey, ancien directeur de la CIA, n'a d'ailleurs pas hésité à comparer l'islam wahhabite radical avec le mouvement national socialiste qui s'est développé en Allemagne dans l'entre deux guerres et a conduit Hitler au pouvoir. "De la même manière que le ressentiment et le nationalisme allemand à cette époque ont formé le terreau du nazisme, le Wahhabisme et l'islamisme radical forment aujourd'hui celui d'al Qaïda et des organisations islamistes extrémistes du même genre" a-t-il déclaré devant la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants.
Pour d'autres la dépendance pétrolière des États-Unis vis-à-vis de l'Arabie Saoudite - qui représente 10% des approvisionnements américains - est désormais moins forte en raison du poids croissant sur le marché d'acteurs comme la Russie ou certaines des ex-Républiques soviétiques.
Pour d'autres, Washington n'a toutefois rien à gagner dans l'immédiat à un conflit, même larvé, avec Ryad. En effet, même si le royaume refuse que les bases américaines qu'il abrite soient utilisées pour une opération contre l'Irak de Saddam Hussein, sa coopération restera déterminante, qu'il s'agisse d'autoriser le survol de son espace aérien ou de fournir une base logistique. De plus la position saoudienne constituera une sorte de référence pour d'autres États du Golfe dont Washington souhaitera s'assurer le soutien. "Un soutien tactique, même a minima, sera très important" estime Richard Murphy ancien vice secrétaire d'État.
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